Un article repris de https://libres.hypotheses.org/387
« Elles n’ont même pas Windows ! » résume une de nos amies (Margaux pour ne pas la citer) pour expliquer notre manière de travailler. Alors, à quoi ressemble une thèse, sans Windows (ni Mac) et faite avec des logiciels libres ?
Cet article est un petit répertoire des différents logiciels qu’on utilise (ou non) dans notre quotidien de la recherche et qui feront l’objet de divers billets sur le carnet.
À part quelques exceptions notables (comme Zotero), les logiciels libres en général et utilisables dans la recherche en particulier sont peu connus. Souvent, un des premiers enjeux est de trouver quel logiciel utiliser. Pour ça, on utilise souvent https://alternativeto.net/ qui permet de trouver les alternatives (libres ou non d’ailleurs) à un logiciel qu’on utilise déjà ou qu’on connaît via des collègues ou ami·es. Il existe également une super base de données de logiciels libres adaptés aux sciences sociales réalisée par Zack Batist sur github : https://github.com/zackbatist/open-SocSci?tab=readme-ov-file.
À l’Université de Lille, on a aussi la chance d’avoir de nombreux logiciels libres hébergés par les serveurs de l’Université, ce qui nous facilite la tâche :
Dans cet article, on va revenir sur les différents logiciels qu’on utilise pour des opérations classiques de la recherche en science politique et plus généralement en sciences sociales : écrire, lire, récolter, retranscrire, analyser.
Au quotidien
Pour commencer si on n’a pas Windows c’est parce qu’on a un autre système d’exploitation libre : Ubuntu (Linux), qui a été installé par le service informatique de la faculté.
Voir notre article : Ubuntu et pourquoi le libre ?
Au quotidien nous utilisons toutes les deux des logiciels libres pour des tâches de travail de bureau relativement banal : traiter nos mails, ouvrir des PDFs, gérer notre temps.
- Mails : Thunderbird est un gestionnaire de mail libre, où on peut aussi gérer son agenda, ses contacts, ses tâches et avoir une messagerie instantanée. On l’utilise principalement pour nos mails.
- PDFs : on utilise chacune un logiciel différent pour lire et/ou modifier nos PDFs. Audrey utilise Okular qui permet de surligner, sous-ligner, annoter, signer un PDF. Clothilde quand à elle utilise la visionneuse de documents d’Ubuntu pour lire les PDFs et Xournal++ quand il s’agit de compléter ou signer ce format de document.
- Gestion du temps : pour calculer son temps de travail et s’assurer qu’elle ne fait pas plus de 35h, Clothilde utilise le logiciel Hamster, ce qui lui permet d’avoir une visibilité sur le temps travaillé chaque jours, mais aussi le temps consacré à ses différents projets en cours.
Écrire
Pour écrire nos mémoires de Master 2 nous avons toutes les deux utilisés LibreOffice Writer qui est une équivalent de Word, mais en libre et qui a globalement les mêmes fonctionnalités. C’est un outil qu’on utilise encore régulièrement, mais on a très vite cherché d’autres logiciels de traitements de textes pour plusieurs raisons :
- La principale est que LibreOffice Writer devient plus lent et bug une fois qu’on dépasse la centaine de pages et les centaines de notes de bas de page (avec l’option Zotero dans LibreOffice). Une thèse en science politique faisant a minima le quadruple de pages (et autant pour les notes de bas de page), il nous fallait une solution qui permette de soutenir des documents lourds.
- les gestionnaires de fichiers classiques avec le principe : dossier > sous-dossier > fichier ne nous convenait pas parce qu’on avait besoin d’avoir une vue d’ensemble de nos documents, et que le passage d’un document à un autre nécessitait de passer par une autre interface que celle de LibreOffice Writer, ce qui parfois nous perd dans nos recherches (pourquoi j’ai cliqué sur mon dossier “photos” déjà ?).
On sait que de nombreux·ses doctorant·es en sciences expérimentales écrivent leur thèse en LaTeX, un langage d’écriture utilisable via des éditeurs LaTeX comme TexStudio ou Overleaf (un éditeur LaTeX en ligne qui est open source, mais pas libre : certaines options sont payantes). Mais en attente de formation, on a cherché d’autres options.
Lors d’une discussion, un collègue en rédaction de thèse nous raconte qu’il a passé tous les documents liés à sa thèse sur Scrinever pour la rédaction. Cela lui a permis d’avoir tout sur une même interface (matériaux, rédactions) et aussi de diviser ses chapitres en plusieurs documents qui s’importent en un seul. Seul problème : Scrinever est un logiciel propriétaire et payant.
À la recherche d’alternatives, Clothilde utilise d’abord Obsidian, qui est un logiciel gratuit mais malheureusement propriétaire…
Ensuite, Audrey trouve Zettlr, une véritable pépite que nous utilisons toutes les deux et qui fera l’objet de plusieurs billets sur le carnet ! Sur cette application de prise de notes, le langage d’écriture utilisé est le Mardown, mais il est aussi possible d’intégrer des éléments en LaTeX. Pour une première présentation, on vous conseille l’article d’Aurore Turbiau, docteure en littérature comparée qui a écrit sa thèse grâce à Zettlr.
Lire
Niveau lecture, on utilise toutes les deux Zotero qui est devenu un incontournable de la recherche pour gérer sa bibliographie. On l’utilise à la fois pour enregistrer nos littératures, les citer ensuite facilement et générer automatiquement des bibliographies. Mais aussi de temps en temps pour surligner et annoter les articles ou chapitres de livre, faire nos fiches, étiqueter les documents, etc.
Nos manières de lire ont beaucoup évolué depuis le début du doctorat et on opte toutes les deux, à des degrés différents, de plus en plus pour la lecture sur papier et les fiches papiers.
Récolter
Les matériaux qu’on récolte pour nos recherches sont principalement qualitatives. La collecte d’entretien se fait via un enregistreur et pour les observations via nos carnets de terrain. Pas besoin de logiciels libres ici ! Par contre, ce carnet Hypothèse sera pour nous l’occasion de revenir sur des questions de sécurité des données récoltées notamment avec le chiffrage de nos ordinateurs et moyens de sauvegarde, et plus généralement de parler RGPD et éthique de la recherche.
Nous récoltons aussi des divers documents par le biais de recherches en ligne, et de revues de presse. Pour ranger ces documents, on utilise Zotero, dans lequel il est possible d’insérer les PDFs et de compléter les métadonnées (auteur, titre, date, etc).
Enfin, Audrey travaille aussi sur des archives. Pour cela, elle utilise Tropy, logiciel libre créé par l’équipe de Zotero. Grâce à Tropy, on peut organiser ses archives, remplir les métadonnées (quelles archives, nom du carton, etc) et annoter ses documents. C’est un super outil, on vous en reparlera !
Retranscrire
Niveau retranscription des données et notamment des entretiens, on a eu l’occasion de tester plein de systèmes différents depuis nos premières expériences de recherche en Master.
En première année de thèse, on a découvert Whisper, un outil open source de retranscription automatique de la parole via une intelligence artificielle. C’est une véritable pépite qui change en grande partie le travail de retranscription. Disponible dans ShareDocs sur la plateforme Huma-num, il suffit de télécharger le ou les audio(s) dans le dossier correspondant et on reçoit un mail quand ces derniers sont retranscrits au format texte. Il faut bien-sûr repasser derrière pour faire une relecture du document, mais cela nous facilite grandement le travail ! Pour en savoir plus sur l’utilisation de Whisper via Huma-num, vous pouvez lire cet article du sociologue Aden Gaide : https://agepouvoir.hypotheses.org/494
Avant cela, on avait testé d’autres outils comme Parlatype. Il s’agit d’un lecteur audio spécifique pour la retranscription avec des raccourcis claviers qui permettent de faire stop/play ou de rembobiner l’audio de quelques secondes sans quitter notre document LibreOffice Writer. On avait aussi utilisé un petit script pour transcrire automatiquement depuis un audio en local via Vosk. C’était beaucoup moins performant que Whisper (version large) et il n’y avait pas d’interface. Du coup, il fallait passer par des lignes de commande, ce qui peut être un frein pour certain·es.
Analyser
Pour finir, on utilise des logiciels d’analyse de nos données, qualitatives et quantitatives.
Pour les données qualitatives, Clothilde a commencé à utiliser un CAQDAS (Computer-assisted qualitative date analysis software) soit un logiciel, ici libre, d’aide à l’analyse qualitative des données : Qualcoder.
Pour les données quantitatives (et surtout un peu de cartographie), Audrey utilise Rstudio, logiciel libre qui permet d’écrire en R, langage de programmation orienté statistiques.
Reprise de l’article diffusé en CC BY NC. Audrey Safa, Clothilde Saunier (10 septembre 2024). « Elles n’ont même pas Windows » – workflow d’une thèse libre. Tout problème a son logiciel libre. Consulté le 15 septembre 2024 à l’adresse https://libres.hypotheses.org/387
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